Premiers résultats de l’Enquête de SUD Éducation sur les conditions matérielles de travail
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Nous avons constaté que nombre d’enseignants se plaignaient de ne pas recevoir leur commande à la rentrée, ni dans leur intégralité. Nombre d’entre eux nous ont aussi fait part du manque cruel de matériel (manuels ou pédagogique), et des dépenses personnelles qu’ils faisaient pour pallier le manque de moyens. Qu’en est-il vraiment ?
Nous avons décidé de faire une enquête précise pour pouvoir dénoncer cet état de fait à Saint- Laurent et dans le reste de la Guyane. Voici les premiers résultats de l’enquête. Ils portent sur Saint-Laurent, Mana, Apatou et Javouhey. Dans un prochain numéro nous publierons les résultats pour toute la Guyane.
Les manuels scolaires
À Saint Laurent : les enseignants du CP ont effectivement des manuels de lecture en grande majorité mais 50 % en ont moins de 1 pas élève, pas forcément l’idéal pour apprendre à lire...
Plus de la moitié des classes de l’élémentaire n’ont pas de manuel de français, et seul un tiers de ceux qui ont la « chance » d’en avoir, en a un par élève. Quant aux mathématiques, 35 % n’en n’ont pas, 40 % des chanceux en ont un par élève. Et cela sans parler des manuels non conformes aux programmes.
À Mana-Javouhey : les élèves de Mana-Javouhey n’ont ni manuels de français, ni de mathématiques. (80%),
À Apatou : les deux-tiers des élèves travaillent avec des manuels de français et de mathématiques, et souvent avec moins de 1 manuel chacun. Les élèves de métropole ont bien entendu chacun un manuel dans toutes ces matières de base. Et pourquoi pas dans l’ouest guyanais ?
Sieste en petite section
Pour nos élèves de maternelle de Saint-Laurent ayant besoin de faire la sieste, nous n’avons pas eu de collègue ayant 1 matelas par élève, 35 % n’en ont pas. Considérerait-on nos petits comme du bétail ?
Les commandes de matériel (pédagogique)
Chaque année, chaque classe a le droit de commander du matériel.
À Saint-Laurent : la mairie accorde 17€ par élève et par an pour que l’enseignant commande le matériel pédagogique dans la classe, somme déjà moitié moindre qu’à Cayenne (34€), Mana (33€) ou Kourou (40€). 47 % des enseignants reçoivent moins de la moitié de leur commande ou rien, et rares sont ceux qui la reçoivent en totalité (5%). Comble de la pénurie : seul 10 % la reçoivent à la rentrée. 88 % reçoivent leur maigre matériel après décembre.
À Mana-Javouhey et Apatou les résultats sont comparables. A Mana, 10 % des réponses affirment n’avoir même pas reçu la moitié de la commande, 40 % auraient reçu la totalité, la grande majorité ayant dû attendre le mois de novembre. Est-ce normal de commencer l’année sans matériel ?
La qualité de l’enseignement dépend aussi de la qualité et de la quantité de matériel à disposition.
Comment faire pour faire progresser nos élèves qui sont nombreux à être dans de grandes difficultés sociales, sans même avoir le minimum d’outils. Les pouvoirs publics ont une lourde responsabilité, indiscutable, inexcusable.
Certains se demandent aussi ce que devient le matériel non livré...
Services dans les écoles
Ne parlons surtout pas du manque d’ infrastructures : aucune école de l’ouest guyanais ne possède de service de garderie ni de cantine.
Rappelons qu’en métropole, c’est un élève sur deux qui mange à la cantine.
Les enfants guyanais ont-ils moins besoin de manger ?
Éducation à l’hygiène...
Et dans quelles conditions d’hygiène élémentaire nos élèves apprennent-ils ?
A Saint-Laurent, 67 % des enseignants ont répondu que les élèves ne disposaient pas de savon dans les toilettes, 44 % à Apatou, 10 % à Mana. 9 % des élèves de l’ouest n’ont pas de papier hygiénique.
C’est aussi à l’école que les enfants apprennent pourquoi il est important d’avoir une bonne hygiène pour être en bonne santé. Quelles sont les conséquences pour leur santé ? Pour la santé publique ?
Chaleur dans les classes
42 % des classes de Saint-Laurent ne possèdent ni brasseur d’air, ni de ventilateur. 50 % des classes de Mana-Javouhey et d’Apatou.
Comment être performant dans l’apprentissage avec des températures insupportables, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves ?
Le bien être des enseignants et des élèves serait-il moins important que celui des personnels administratifs ?
Matériel acheté par les collègues.
Nos collègues, par conscience professionnelle sont contraints de pallier les absences intolérables de moyens : La quasi-totalité des collègues de maternelle achètent eux même leurs albums, 53 % des enseignants du premier degré de Saint-Laurent font les photocopies chez un commerçant. 71 % des enseignants de Saint Laurent, 59 % d’Apatou, et 61 % de Mana achètent du matériel pour les élèves qui n’en ont pas.
46% des enseignants de ces 3 villes dépensent entre 150 et 300 euros pour l’achat de matériel à la rentrée.
Cambriolages
30 % des collègues de Saint-Laurent ont eu leur classe cambriolée cette année (9 % à Apatou), et seuls 10 % d’entre eux ont vu leur matériel remplacé (aucun à Apatou).
Nous ferons une analyse plus détaillée dans l’année (beaucoup de données non chiffrées nécessitent un travail plus approfondi) mais il ressort de cette enquête un désarroi des collègues car ceux-ci sont mis dans des conditions qui rendent quasi impossible la réussite du plus grand nombre d’élèves.
Toute tentative pour nous faire croire en une quelconque égalité de traitement entre nos élèves et ceux de métropole est caduque : l’écart de moyens est flagrant. Rappelons que la quasi-totalité des écoles de l’ouest fait partie de « l’éducation prioritaire » (programme ECLAIR).
SUD Éducation Guyane exige que le matériel commandé soit livré en totalité et à la rentrée.
Nous voulons que cette enquête oblige l’État et les Mairies à mettre tout en œuvre pour offrir des conditions dignes dans les écoles. Nous souhaitons également renverser les mentalités : les enseignants du premier degré sont victimes du système et non des profiteurs. Ils sont les premiers à vouloir que les élèves réussissent et investissent pour. En est-il de même des pouvoirs publics ?
Nous appelons les collègues à décrire leurs conditions de travail dans les RSST (Registre Santé, Sécurité au Travail), afin de dénoncer officiellement leur manque de matériels à disposition, les souffrances psychologiques qui en sont la conséquence.
Cette année, à St Laurent, presque toutes les écoles ont reçu leur commande à la rentrée. La médiatisation de cette enquête n’y est certainement pas étrangère. Nos conditions de travail peuvent et doivent changer.
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