Il était une fois en Guyane ou l’histoire de Pedro et de sa famille
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Pour ceux qui n’auraient pas suivi « l’Affaire », voici un résumé des épisodes précédents.
Il était une fois Pedro,
un Brésilien, arrivé en Guyane il y a 12 ans, sa femme et ses quatre enfants venus le rejoindre en 2001 et le petit dernier, né en 2002. Depuis 6 ans, aucun membre de la famille n’avait quitté le département. Tous les enfants fréquentaient assidûment les établissements de Sinnamary et affichaient de bons résultats scolaires. Cette famille habitait au centre du bourg et Pedro travaillait dur. La moitié des habitants l’avaient sans doute engagé un jour ou l’autre. Pedro imaginait bien son avenir en Guyane avec sa famille. Il possédait un titre de concession agricole attribué par la mairie de Sinnamary, des avis d’imposition depuis 2001, des factures d’EDF, de la SGDE. De plus, ses deux parents vivaient à Sinnamary et possédaient un titre de séjour en règle.
Il était une fois, donc, Pedro et sa famille qui existaient officiellement pour la mairie, la Poste, l’EDF, la SGDE, l’Éducation Nationale, le Trésors Public et pour plus de 2000 personnes à Sinnamary.
Pour obtenir sa régularisation.
Pedro devait aller dans la grande ville de Cayenne. Cela lui faisait un peu peur car c’est là où habitait le seigneur de Guyane, le préfet. Mais, Pedro avait confiance, il avait des arguments et puis il savait que les préfets respectent la loi et que la préfecture représente la République et donc la liberté, l’égalité et la fraternité.
Le premier accueil fut un peu décevant, la dame employée du seigneur lui demanda de revenir avec plus de preuves quelques mois plus tard. Décidément, c’était pas gagné. Pendant ce temps là, loin de Sinnamary et loin de Cayenne, le suzerain du préfet, le seigneur Sarkozy, avait édicté de nouveaux ordres. Désormais, il n’y aurait plus de loi, désormais, chaque préfet déciderait qui pouvait et qui ne pouvait pas être régularisé, comme ça, selon son bon vouloir. C’est vrai, quoi : à quoi ça sert d’être préfet si on ne peut pas faire ce qu’on veut ?
Pédro revint avec ses preuves sous le bras comme on lui avait dit. Mais ce n’était pas la même dame. Elle lui dit qu’elle ne prendrait pas son dossier, et toc, elle remplit une fiche à moitié, lui fit signer et lui dit qu’elle le rappellerait et hop, au suivant, non mais alors…
Pedro retourna à Sinnamary, pas très sûr de la valeur des mots égalité et fraternité. Il attendit plusieurs mois. Peut être que la dame avait perdu son numéro de téléphone. Heureusement, elle n’avait pas perdu son adresse et il reçut une Invitation à Quitter le Territoire, puis un Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière. En clair, les gendarmes allaient venir le chercher pour le renvoyer au Brésil, loin de sa famille et de ses cinq enfants.
Cette histoire n’est malheureusement pas un fabliau médiéval. C’est ce qui se passe aujourd’hui en Guyane. Pedro est donc venu au collège de Sinnamary en novembre dernier, ne sachant pas trop quoi faire. Avec son accord et celui de sa famille, nous avons décidé de médiatiser l’affaire. Soutenus par le réseau Éducation Sans Frontière, nous avons rédigé une pétition qui a tourné dans les établissements scolaires, sur Internet et sur les marchés de Saint Laurent, Cayenne et évidemment Sinnamary où la quasi totalité des personnes présentes ont accepté de signer. La presse a bien relayé l’histoire et la préfecture a fini par accepter de nous recevoir le 8 février dernier.
Là, nous nous sommes aperçus que de nombreux document manquaient au dossier de régularisation et que la dame n’avait pas seulement expédié Pedro, elle avait continué à remplir sa fiche après son départ en faisant une toute petite erreur : au lieu d’indiquer que ses deux parents sont régularisés et vivent à Sinnamary, elle avait marqué que le père était décédé et que la mère vivait au Brésil. Mais, l’erreur est humaine…..
Confrontés à un dossier incomplet,
comprenant de plus un faux document, il nous a été facile de démontrer la présence continue de Pedro et de sa famille, des attaches fortes sur le territoire et des preuves tangibles de sa bonne intégration dans le bourg. Il nous a donc été promis que le dossier complété serait réexaminé par le Préfet. Or, nous sommes dans la troisième semaine de mars, et, nous n’avons toujours pas de réponse. Peut être la proximité des élections et le départ prochain du Secrétaire Général de la Préfecture laissent-ils penser à nos éminents représentants qu’il est urgent de ne rien faire. En attendant, à Sinnamary, cinq enfants entre 5 et 14 ans s’endorment chaque nuit en attendant de savoir si les gendarmes vont venir demain. Nous, nous ne les oublions pas.
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