L’éducation au rabais… plus que jamais
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Ce n’est plus un scoop pour personne : l’Éducation Nationale rogne de plus en plus sur les budgets. Ce qui devient intolérable au quotidien, c’est de voir comment on demande aux enseignants de faire plus avec moins et combien on se soucie peu d’assurer les meilleures conditions d’apprentissage à nos élèves. Les exemples sont légion, tant dans le 1er degré que dans le second degré. Je m’attacherai ici à citer deux exemples qui concernent le collège.
Adieu les COP, vive les super PP !
En matière d’orientation après la 3ème, il est de plus en plus clair que l’on amène doucement mais sûrement les profs à faire le boulot des COP (Conseillers d’Orientation Psychologues).
Pour rappel, la mission première du professeur principal de troisième est de sensibiliser les élèves à l’orientation et de les aider à construire un projet personnel cohérent. Cette tâche, rémunérée par des ISOE (Indemnités de Suivi et d’Orientation des Élèves) perçues trois fois par an, exige que l’enseignant soit lui-même le plus au fait possible des formations post-troisième et requiert donc une auto-formation importante : lecture assidue des brochures ONISEP, des réglementations concernant les affectations, visite d’établissements, prise de contact avec les équipes pédagogiques de lycée… Parallèlement, il doit aménager au fil de l’année des temps avec sa classe (hors de ses heures de service dans la majorité des cas) afin d’amener chaque élève à explorer les différentes possibilités qui s’offrent à lui en fin de 3ème et à faire le meilleur choix. Autant dire que s’il veut mener sa mission à bien, le PP doit y consacrer un temps certain.
Mais une telle mission ne peut s’accomplir efficacement qu’en étroite collaboration avec le/la COP qui demeure l’interlocuteur privilégié des jeunes et des familles de par sa formation très spécialisée. Aussi soucieux de bien faire que soit un PP, il ne sera jamais aussi compétent qu’un professionnel et ne peut prétendre se substituer à celui-ci.
Or, les permanences des COP dans les collèges se réduisent chaque année un peu plus, jusqu’à atteindre des proportions purement symboliques. Dans des collèges comme Sinnamary et Iracoubo, la COP attitrée n’est présente qu’un après-midi tous les quinze jours… quand elle n’est pas sollicitée ailleurs. Dans d’autres établissements plus isolées, les COP sont carrément absents, faute d’être rémunérés de leurs frais de déplacement. Comment, dans ces conditions, faire de l’orientation un vrai choix, libre et égalitaire, comme le prône pompeusement le projet académique ?
Avec si peu de permanence des COP au sein des établissements, le gros du travail d’information et de conseil en matière d’orientation revient donc inéluctablement aux PP.
S’il n’était pas encore assez évident que l’on tend à demander aux PP de remplacer peu à peu les COP (sans qu’il ne soit question d’augmenter les ISOE bien sûr), voici une nouveauté fraîchement issue de notre ministère qui vient ôter toute illusion : une récente circulaire (06-213 du 14 décembre 2006) demande en effet aux PP de 3ème de mettre en place des entretiens individuels d’orientation pour chaque élève. Imaginez la charge de travail pour un PP d’une classe de 25 élèves : à raison de 20 mn d’entretien par élève, cela représente plus de 8 heures de présence à caser en dehors de ses heures de service, notamment le soir après les cours si l’on veut, comme le préconise la circulaire, y associer les parents.
Mais officiellement, bien sûr, il ne s’agit nullement de remplacer les COP, puisqu’ il est stipulé noir sur blanc que cet entretien doit être conduit par le professeur principal « en associant le cas échéant le conseiller d’orientation-psychologue ». C’est sûr que vu les disponibilités des COP, le cas ne risque pas souvent de nous échoir… !
Bref, personne n’est dupe sur la finalité de cette mesure et l’hypocrisie de la manœuvre.
Assistantes sociales, infirmières scolaires : des besoins énormes !
D’autres acteurs dont le rôle est prépondérant dans la bonne marche des établissements et le bien-être (donc, en grande partie, la réussite) de nos élèves sont totalement négligés. C’est le cas des assistantes sociales et des infirmièr(e)s scolaires dont les permanences se réduisent comme peau de chagrin d’année en année, alors que les besoins ne cessent de se manifester. En effet, détresse sociale, grossesses précoces, suicides, conduites à risque… sont régulièrement observés chez un certain nombre d’élèves, sans qu’une vraie prévention, qui commence par une présence régulière de professionnels compétents, ne soit mise en place.
Pour ne prendre qu’un triste exemple, citons le récent suicide à Iracoubo d’un jeune élève du collège. Loin de moi l’idée de prétendre expliquer un tel acte. Toutefois, en tant qu’enseignante dans ce collège, je ne peux qu’être interpellée par la répétition tragique des faits (il s’agit du deuxième suicide en deux ans et demi) et choquée par le manque de réaction de la part du Rectorat. En effet, passées les premières mesures d’urgence (cellules de soutien psychologique assurées durant deux jours par l’infirmière et l’assistante sociale scolaires ainsi qu’une psychologue normalement chargée du primaire à Sinnamary), rien n’a été mis en place pour assurer au quotidien une prévention efficace. Quand on sait que l’assistante sociale scolaire n’est présente que deux jours par mois (la COP et l’infirmière scolaire guère plus) on ne peut s’étonner que de tels drames se produisent. Vers qui peut se tourner l’adolescent en souffrance si ces professionnels de l’écoute ne sont presque jamais là ? A Iracoubo, comme dans d’autres établissements touchés par ce genre de drame, il est impératif qu’infirmière, COP et assistante sociale scolaires puissent assurer des permanences régulières et conséquentes. Or, on sait que ces dernières années, la politique de l’Éducation Nationale va totalement à cette encontre : décentralisation, réduction des postes… tout cela témoigne d’un souci d’économie qui néglige de prendre en compte des paramètres essentiels à la réussite des élèves.
Que l’Éducation nationale cesse de mener un double discours et ose affirmer haut et fort ce qu’elle trame insidieusement depuis déjà quelques années : la dégradation généralisée des conditions de travail des enseignants et d’apprentissage des élèves, à coup de restrictions budgétaires et de vues à court terme. N’est-ce pas là en effet le meilleur moyen de justifier le développement de l’enseignement privé, marché juteux par excellence ?
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