La vie vaut plus qu’une note
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Dans une démarche archaïque, significative du recul des idées dans la politique actuelle, le BO n° 22 du 1er juin 2006 instaure une « note de vie scolaire ».
C’est en premier lieu une aberration dans les termes. Comment la vie peut-elle être associée à la note !? « Note de vie » résonne comme une insulte à la vie, mais raisonne surtout l’éducation au niveau du conditionnement Pavlovien. La vie scolaire, parce que « scolaire », aurait-elle perdu tous les attributs de la vie au point de pouvoir être objectivée ? Nous sommes tout de même au pays des philosophes et des Lumières qui ont balayé l’obscurantisme moyenâgeux.
Nous nous devons alors de faire preuve d’un peu de jugement !
D’un point de vue éducatif cette note est un non-sens. Travailler sur le comportement d’un individu suppose une relation intersubjective quelque peu allergique à la notation. Le travail éducatif est un processus, c’est à dire qu’il ne peut être figé et que son aboutissement, s’il peut être prévisible, n’est pas déterminable à coup sûr. Noter le comportement pour éduquer c’est vider ce « travail » de son contenu pour en faire une coquille vide. C’est en garder l’espace et en supprimer le temps.
Pour l’élève cela veut dire que tout le vécu peut s’effacer par une simple note. Le vécu perd ainsi sa qualité ! Ce faisant l’éducateur refuse d’éduquer et brandit juste une épée de Damoclès stérile et injuste.
Du point de vue de l’école comme acteur social, c’est bien plus grave et destructeur encore. Il faut voir que les critères qui fondent cette note (comportement, absentéisme, réussite à l’ASSR…) sont les symptômes mêmes des problématiques sociales de nos élèves.
La volonté de broyer les individus par un formatage avilissant est-elle si forte qu’il nous faille encore sanctionner les différences sociales à l’école ? Quelle conception de l’égalité, de la fraternité et de la liberté se cache derrière pareille monstruosité, sinon la loi du plus fort, la véritable anarchie au sens littéral, le libéralisme.
Nous devons réagir face à cette dérive !
Enfin, si l’investissement altruiste et désintéressé d’un élève dans la vie de l’établissement est un acte citoyen, en revanche « l’investissement » des ses actes par calcul en vue d’une note est consumériste dans la forme comme dans le fond, donc profondément anti-éducatif.
Cette note n’est qu’un procédé de coercition, pervers de surcroît, contre lequel nous devons nous élever.
Refusons de participer à l’élaboration de la note de vie scolaire. Combattons la jusqu’à son retrait.
Sécuritaire tous azimuts !
La langue en béton armé du BO sur l’intégration et la citoyenneté ne trompe personne : l’autoritarisme, avec l’emblématique note Vie scolaire, s’impose. Le rôle du correspondant “police ou gendarmerie”, nommé sans équivoque « correspondant privilégié », est fermement rappelé ! Les yeux rivés sur les écrans de vidéosurveillance, devrons-nous bientôt partager notre bureau avec le flic de l’établissement ?
Le flicage des élèves c’est sans nous !
La note de vie scolaire est censée contribuer à « pacifier » les collèges (circulaire de rentrée BO n°13 du 31 mars 2006 et modalités d’attribution BO n°22 du 1 juin 2006). Attribuée chaque trimestre de la sixième à la troisième, elle sera prise en compte pour l’obtention du brevet en 3eme.
Stigmatisante elle fait jouer un rôle plus répressif qu’éducatif aux Professeurs Principaux et aux CPE qui proposeront une note au chef d’établissement. Et bien sûr, toujours pas de postes d’assistants sociaux, de psychologues scolaires, d’infirmiers et de CPE en nombre suffisant pour accompagner les élèves en mal de vivre. Toujours moins de postes, moins de surveillants, plus d’élèves par classe : on crée des établissements usine/cocotte-minute où l’individu n’est qu’un numéro au lieu d’humaniser l’école. Et bien sûr, quand tout explose, facile de convaincre les collègues qu’une note de comportement sera le salut. De plus, cette évaluation est dangereuse car elle est subjective, mais elle va suivre nos enfants toute leur scolarité, voire… toute leur vie (jusque dans les entretiens d’embauche ?).
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