Quelle école pour la Guyane ?
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La Guyane est un territoire d’exception. Avec ses 90 909 km2 elle est le plus grand département de France ainsi que la plus vaste académie du territoire, mais avec ses 250 109 habitants, elle est aussi le moins densément peuplé (1,88hab/km²). La majeure partie du territoire est recouverte d’une forêt équatoriale, la température moyenne est de 28°C et il n’existe qu’une route reliant les deux fleuves et longeant le littoral. Certaines communes ne sont accessibles qu’en pirogue. Sa population, avec un taux de croissance de 3,8%, est répartie sur le littoral et le long des deux fleuves que sont le Maroni et l’Oyapock. Et on parle, ici, environ 12 langues différentes.
Face à ce portrait, esquissé très rapidement, on peut se demander quel est l’intérêt d’appliquer ici certaines lois métropolitaines et pas d’autres. Comme, par exemple, la trêve hivernale (le fait de ne pas expulser les locataires durant l’hiver) appliquée dans un département dont la température chute rarement en dessous de 20°C. De la même façon, le droit du sol (naître sur le territoire français de parents étrangers) n’existe pas ainsi que le port d’arme qui, nous l’avons dit dans un précédent article, est dû à une reconnaissance de la chasse comme moyen traditionnel de subsistance donc à un principe d’exception culturelle.
Voilà, le mot est lâché, dans sa grande sagesse la république, qui est une et indivisible, a reconnu le principe d’exception culturelle régionale, coupant ici avec le principe de l’universalisme républicain. Il est à noter que cette « exception » est arrivée tardivement et n’a pas empêché le génocide culturel et linguistique sur le territoire français. Ainsi, l’état français reconnaît-il le combat de coq en région Nord Pas de Calais, la corrida dans le Languedoc Roussillon, et ne parlons pas du concordat alsacien. Alors, pourquoi ne pas reconnaître sur ce même principe une « exception éducationnelle », pourquoi ne pas permettre à une académie de déroger aux règles de l’Éducation Nationale comme par exemple les rythmes scolaires. En effet, on peut se permettre de s’interroger sur la pertinence d’une telle réforme (qui je vous le rappelle prône des cycles d’apprentissage de 3h30 maximum, une pause méridienne de 1h30, ...) dans une région où la moitié des enfants habitent à plus d’une heure de pirogue ou de bus du lieu de scolarisation, où la moitié des écoles n’ont pas de cantine, où les trois quart des écoles n’ont pas de ventilateur alors qu’on dépasse en début d’après midi les 32°C et où, déplacement compris, certains enfants font 5h-18h sans rien dans le ventre. De même, est-ce que « nos ancêtres les gaulois, Jules César, les grecs » est pertinent en primaire et à 8000 km de la capitale, alors que nul ici n’a entendu parler des missions catholiques ou même de la guerre du Pacifique, des dictatures argentine et chilienne pourtant voisins plus proches de nous que la métropole. Et ne parlons pas de la reconnaissance des langues locales. Devons-nous laisser faire ici le génocide culturel que d’autres régions ont subi au principe que l’État n’investit pas de façon pérenne dans des professeurs des écoles rompus à ces langues et en les stabilisant sur poste à longue échéance. De plus, ce même état n’accepte pas la moindre adaptation locale au programme. Je me demande parfois où est cette France qui, au moment de la théorie économique de la mondialisation, a fait voter à l’OMC (organisation mondiale du commerce) une exception culturelle déclinée régionalement, soulignant que la culture n’est pas un bien commercial comme les autres. Sur ce même principe, on peut reconnaître que l’éducation n’est pas une marchandise et que l’on peut faire des exceptions régionales sans pour autant craindre un regain d’autonomie.
J’en appelle donc à l’autorité de la république pour qu’elle interpelle le gouvernement sur cette question de l’exception éducationnelle car cela fait bien longtemps que l’on sait que l’appartenance à la France ne passe pas par la langue mais par une culture, des valeurs communes et son histoire et qu’il n’est pas nécessaire d’être plus royaliste que le roi.
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