Oui à une réflexion autour des questions pédagogiques ! Non au LPC !
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La mise en place du « Socle commun de connaissances et de compétences » prétend imposer désormais aux enseignants des classes de troisième la validation de Livret Personnel de Compétences Il s’agit d’évaluer sur le mode binaire l’acquisition par les collégiens de 98 items rangés sous sept « compétences-clés ».
Cette validation de compétences concernera dès la rentrée 2011 les collègues du 1er degré qui devront évaluer et valider un grand nombre d’items en fin de CE1 et en fin de CM2.
Un nouveau mode d’évaluation performant ?
Nombre d’entre nous se réjouissent à l’idée qu’un nouveau mode d’évaluation soit proposé (pour remplacer le système de notation classique).
En effet un 10/20 n’a pas la même signification suivant les établissements et il est nécessaire d’avoir un outil commun basé non seulement sur les connaissances mais aussi sur les compétences.
Cependant, après une phase d’expérimentation sans aucun bilan, le LPC est aujourd’hui imposé à l’ensemble des collèges. Aucune concertation, aucune information, la mise en place est laissée à l’appréciation des équipes pédagogiques.
Évaluer 70 compétences parfois mal définies et incompréhensibles ?
En mathématiques, par exemple "Mener à bien un calcul : mental, à la main, à la calculatrice, avec un ordinateur" est tout sauf précis, et sera donc laissé à l’appréciation du professeur, très différente selon les établissements.
Mais ce n’est pas tout ! Qui validera les compétences "interdisciplinaires" telles "savoir s’exprimer en public" ou "comprendre une consigne" qui sont en réalité plus ou moins maîtrisées selon les matières ?
Comment les valider ? L’évaluation binaire validé/pas validé ne permet pas de se prononcer sereinement sur le niveau d’acquisition des élèves. Cette difficulté à évaluer est la source d’erreurs et d’évaluation faussée. De telles erreurs ne permettent donc pas de faire de ce livret un outil pédagogique exploitable par les professeurs. Et même si le LPC avait une visée pédagogique, faudrait-il encore que l’on attribue des moyens pour permettre une vraie pédagogie différenciée.
Nous avons besoin de temps
Cette nouvelle organisation ne pourra se faire sans que soit intégré un temps de concertation, de régulation, d’analyse de pratiques. Ce temps de réunion doit évidemment être pris sur le temps de travail des enseignants.
Ceci passe donc par une diminution du temps devant élèves et intégration d’un temps de concertation.
En outre, comme toutes les innovations pédagogiques de ces dernières années, la mise en place du LPC ne se substitue pas, mais s’ajoute à un dispositif préexistant, qui reste le support de l’information aux parents — celui de l’évaluation et de l’appréciation du travail des élèves, qui comprend déjà la notation et l’annotation des copies, les bulletins trimestriels et le livret scolaire. Il constitue donc une surcharge de travail superfétatoire pour les enseignants.
A quoi sert alors ce livret ?
La naissance du LPC a eu lieu dans les bureaux de l’Organisation Coopération Développement Économique qui donne des orientations politiques au niveau international, imposé aux gouvernements par l’Union Européenne, il enferme l’enseignement dans une logique économique. En réalité il s’agit uniquement de répondre aux exigences du patronat. Ce qui est en ligne de mire, c’est la suppression des grilles de qualification des conventions collectives. Cette mesure est ainsi liée au remodelage néolibéral du Code du travail. Il instaure en effet un Passeport d’orientation et de formation pour les travailleurs, lequel a le même contenu que le LPC et ne fait donc que le prolonger. Cette loi prévoit d’ailleurs que lors de son entrée dans la vie active, l’élève puisse, « s’il le souhaite, intégrer les éléments du livret de compétences au Passeport orientation et formation prévu à l’article L. 6315-2 du Code du travail ». L’employeur pourra de la sorte tout savoir sur ceux qu’il souhaite embaucher et pourra ainsi les sélectionner comme il achète des machines.
La commissaire européenne a l’enseignement (Mme Androulla Vassiliou) ne dit pas autre chose lorsqu’elle déclare qu’il faut "améliorer les compétences et l’accès à l’éducation en se concentrant sur les besoins des marchés". Le LPC a donc pour objectif préparer et d’adapter les élèves au monde du travail.
Un outil de fichage
D’autre part se pose la question du fichage numérique centralisé et de toutes les dérives qui peuvent s’en suivre. Qui aura accès à ces données à terme ? Les données personnelles qu’il contient sont exportables sur n’importe quel fichier de n’importe quel service : la mobilisation des parents et des enseignants avait permis que les compétences soient retirées des données enregistrées sur Base-Élève, elles reviennent par la fenêtre, grâce au LPC ! Sa mise en place est donc inadmissible. Qui plus est les données numériques sur les élèves seront conservées 35 ans : dès lors qu’en est-il du droit à l’oubli ?
Et puisque que le ministère devient coutumier des classements. On peut se demander si à terme le LPC ne servira pas à produire un classement des établissements, ce qui avec la destruction de la carte scolaire participera à la fin de la mixité sociale à l’école.
Différencier “ évaluation par compétence ” et “ pédagogie par compétence ”
A SUD éducation, il nous paraît fondamental de différencier la pédagogie par compétence et l’évaluation par compétence, donc de la mise en place du LPC.
Or, l’institution prend pour beaucoup en compte les compétences seulement sous l’angle de l’évaluation. Pour nous, les compétences sont surtout à prendre sous l’angle de la pédagogie, en ne relayant pas les savoirs au rang d’outil mais en les réaffirmant comme une des composantes essentielles de l’école.
Si la mise en place du LPC tel qu’il est proposé peut paraître anecdotique, il faut y voir le signe d’un changement profond de la mission de l’enseignant. Sommes-nous des pédagogues, des passeurs de savoirs et de connaissances pour que nos élèves sachent décrypter le monde qui les entoure et s’émancipent ? Ou bien notre rôle est-il de former et de conditionner les élèves aux exigences du monde du travail ? Devons nous participer au fichage de nos élèves ?
SUD éducation appelle au boycott du LPC
Nous ne sommes pas dupes. L’instauration du Livret personnel de compétences poursuit des objectifs de fichages multiples qui ne sont nullement conformes à la vocation de l’école publique
SUD Éducation Guyane appelle donc les personnels de l’éducation à s’organiser pour boycotter collectivement ce livret . Et si cela ne peut se faire à valider tous les items.
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