Edito
par
Il y a 10 ans, en octobre et novembre 1996, les lycéens
de Guyane se mobilisaient pour réclamer de meilleures
conditions de travail. Des filières sans profs, des
locaux inadaptés ou insalubres
avaient alors mis des milliers
de lycéens dans la rue.
Le 7 novembre 1996, les jeunes
guyanais déterminés, organisés, et
passablement agacés par l’inertie
des politiques locaux, rencontrent
le préfet et le somment d’appeler
le ministre de l’Education nationale
François Bayrou pour le
faire venir afin qu’il se rende
compte de la situation désastreuse
de l’éducation dans le pays. La Guyane dépendait jusque
là d’une académie unique Antilles-Guyane et n’avait que très
peu de marge de manoeuvre. Ils n’ont alors plus qu’un seul
objectif, la création d’un rectorat propre à la Guyane afin qu’à
l’avenir il y ait sur place un interlocuteur valable pour répondre
à leurs revendications. Plus de 5000 jeunes dans la rue et
quelques voitures cramées finissent par mettre les politiques
au pas et le ministre débarque le 20 novembre 1996 avec le
décret de création du rectorat dans sa valise. C’est une magnifique
victoire de la jeunesse qu’il convient de saluer et une
belle leçon de lutte qu’il nous faut garder en mémoire.
Aujourd’hui, 10 ans après, on ne peut que constater que la situation
n’a malheureusement que très peu évolué. Il reste encore
des milliers d’enfants non scolarisés. Les écoles, les collèges
et les lycées sont sursaturés, sous équipés et ne répondent
pas aux exigences d’une éducation de qualité. Nombre de postes
ne sont pas pourvus à temps et il reste encore un nombre
important de personnels contractuels, pas ou peu formés, qui
vivent souvent des situations difficiles dues à leur précarité.
Sans nous étendre davantage sur la situation de l’académie, il
convient tout de même de faire une petite réflexion sur l’autonomie
de l’académie de la Guyane et son pouvoir de faire évoluer
les choses. Par exemple, et chacun de nous peut le vérifier
sur sa feuille de paye, l’académie n’est pas autonome financièrement
et dépend encore du Trésor public de la Martinique.
C’est là un signe révélateur de l’état de dépendance de l’académie
et plus généralement de la
Guyane.
Dans ces conditions, il est urgent,
10 ans après le mouvement
lycéen de 1996, de continuer le
combat pour que l’académie de
la Guyane ne soit pas une sous
académie et dispose des moyens
nécessaires à un service public
d’éducation de qualité, autonome
et adapté aux conditions particulières
du pays. En ce sens,
nous pouvons reprendre la petite
phrase affichée par le Comité
des lycéens de 1996 lors du débat de la commémoration des
évènements : « Nul ne peut vous détourner de vos rêves, donnez
vous les moyens de les réaliser ! » Cette phrase pleine
d’espoir nous rappelle que tout est encore possible pour qui
veut se donner les moyens de lutter et que rien ne se fera
sans la jeunesse de ce pays.
L’Académie de la Guyane a 10 ans et sort à peine de l’âge
de l’enfance, préparons nous dès maintenant à lui faire
vivre une bonne crise d’adolescence dont la mère Patrie
et les politiques paternalistes se souviendront encore
plus longtemps que les événements de 1996.
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