Le petit Nicolas au collège : sortez les extincteurs !
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Le petit Nicolas a beaucoup visité les écoles ces dernières semaines…et il s’est même mêlé de Vie scolaire. Après ses provocations brutales qui ont embrasé les banlieues à l’automne, le voilà sur un nouveau terrain d’aventure, profitant du traumatisme créé par l’agression d’Etampes. Il passe donc la blouse grise du maître d’école…sur son habit de garde-mobile. C’est la période de Mardi-Gras et puis, il n’y a pas de petits profits électoraux.
On le savait déjà farouche partisan de la mise en place d’un fichier central sur l’absentéisme permettant aux maires d’effectuer « le croisement des informations sur l’inscription des enfants dans les écoles primaires et maternelles, leur assiduité effective » afin qu’ils s’assurent de l’assiduité scolaire des enfants de leur commune. Cette « possibilité de recouper les informations devra leur permettre de convoquer les parents et au besoin de les alerter sur leur responsabilité tant civile que pénale » et de mettre en place « une tutelle administrative sur les prestations familiales ». Nous savions aussi que, selon lui, le secret professionnel ne devait « pas servir d’alibi à des réflexes corporatistes qui obèrent l’efficacité des actions menées ». Et basta ! Qu’il était favorable aux "internats de la réussite scolaire", une idée reprise par Villepin (tiens…tiens !) et au développement de la vidéosurveillance. Il en rajoute un peu cependant en parlant de construire des internats réservés « aux élèves exclus des collèges » (on attend la surenchère de Villepin !). Avec mitard ? Décidément, c’est une société sous les verrous. Qu’il tenait aussi pour un "concours général réservé aux zones d’éducation prioritaires" offrant des places en classes préparatoires ou une prise en charge d’internat. Libre concurrence quand tu nous tiens ! Il nous sert donc, ces jours-ci, entre Montbéliard et Courbevoie, le complément de sa doctrine hystérique.
Le voilà qui appelle à présent à un renforcement des règlements intérieurs des établissements…censés « apprendre la politesse en classe, se lever quand l’enseignant entre dans la salle de classe, sanctioner un élève insolent ou menaçant... ». Ils devront être précis : « on a le devoir de saluer son professeur, de ne pas garder son blouson et sa casquette en classe (…) on est passible de sanctions si on est insolent, agressif, si on dégrade les bâtiments ». Cela laisse un peu dans l’expectative. On en était resté, sagement, aux textes officiels : le règlement, rappelle le Bulletin officiel du 11 juillet 2000, « ne peut en aucune façon se réduire, comme c’est parfois le cas, à un énoncé de dispositions relatives aux obligations des seuls élèves et au régime des punitions et des sanctions les concernant. ». En principe des propos vindicatifs de ce type, valent, en bonne logique, une note médiocre au concours de recrutement des Conseillers principaux d’éducation. Mais Sarko ne se présente pas et d’ailleurs, il y a très peu de postes.
Ces injonctions, selon Libé, ont même fait marmonner les chefs d’établissements présents (« Mais, enfin ! il croit que ça se passe comment ? » rapporte le quotidien ). Mais tout doucement pour que le petit Nicolas n’entende pas distinctement, parce que ce sont des gens prudents. Il est vrai qu’on apprend que le vice-procureur chargé des mineurs à Pontoise, a reçu, jeudi 2 février, un avertissement pour avoir publié deux tribunes dans Libération et Le Monde, à l’occasion des violences urbaines de novembre 2005. Il dénonçait « l’échec radical de la droite dans ses politiques de sécurité depuis avril 2002 (…) les mots vulgaires, les insultes, la démagogie (…) et "la virilité télégénique" de M. Sarkozy. ». Et plaidait enfin , appelant à lutter « contre les causes », pour une politique de « prévention ». Quelle audace insupportable !*
On devient une vraie petite république bananière, n’est-ce pas ! Ce n’est plus le petit Nicolas, c’est le général Tapioca !
Il pousse un peu plus loin le bouchon, quant il reprend les recommandations de son homme de main Bénisti qui prônait la « détection systématique des déviances chez les enfants de 3 ans accompagné d’un fichage en règle de l’enfant et de sa famille. ». Le pompier-pyromane donne donc sa feuille de route à la médecine scolaire : « ne pas se contenter de contrôler, comme il y a quarante ans, poids, taille et vaccins » mais se concentrer sur « les troubles du comportement ». Les médecins scolaires (d’ailleurs bien peu nombreux, petit Nicolas, économies budgétaires obligent) ne négligeaient pas l’aspect psychologique dans leur activité professionnelle. Mais on les enjoint de travailler dans un tout autre esprit. Appelons un chat un chat : il s’agira de traquer les futurs délinquants sur la base de « tests » issus de la psychiatrie américaine, dont le Texas d’un certain G. W. Bush, a été le précurseur.
Il préconise la création d’un « carnet de comportement », allant de « la naissance à l’entrée dans la vie d’adulte ». Pour « un suivi sans faille par des professionnels », pas pour « ficher les élèves », nous promet-il.
Ouf ! On était inquiet…surtout en ces temps de FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) massivement appliqué aux mineurs à partir de 10 ans, de « STIC » (Système de traitement des infractions constatées), de « base élèves » et autres bonnes trouvailles. Verra-t-on le retour du livret ouvrier du XIXème siècle pour les « apprentis-juniors » [1] ? Décidément ce pouvoir aime consigner dans tous les sens du terme. Et quel goût immodéré pour la classification statistique, les matricules…Ca rappelle quand même des mauvais souvenirs…
Enfin, bonne nouvelle, le Ministre débloque…des moyens « dès la rentrée de février ». Et les collègues des ZEP qui désespéraient d’être entendus ! Pour qui en fera la demande, il fournira un « policier référent » et des « portiques de sécurité ». Au diable l’avarice ! Il entreprend aussi des actions audacieuses de formation : les surveillants seront instruits par des policiers ! Rompez !
Côté sanctions, il veut officialiser « le rappel à la loi par le maire ou par le commissaire de police ". Ca fera plaisir à certains chefs d’établissements qui pratiquaient déjà ce sport de combat. Et en cas de sanctions judiciaires prononcées contre un élève, « l’école doit être tenue au courant, c’est ce qu’on appelle le partage d’informations ». Pourquoi pas un signe distinctif…après tout, tant qu’on y est, ce serait plus pratique.
Des générations de chercheurs, de pédagogues, de citoyens se sont posés des questions sur cette pratique belle, subtile et difficile qu’est l’éducation…C’était avant les visites du petit Nicolas. Avec lui… c’est pas plus compliqué que ça : on cogne…enlevez, c’est pesé !
Les éducateurs, dont c’est le métier, pourront prendre sans doute, le parti de l’ironie tant les ficelles sont grosses mais, sensibles par définition aux choses de la vie en société, ils s’alarmeront aussi et sonneront le tocsin… En effet, entre Sarkozy, Villepin, de Robien et autres sbires et agités du bocal de l’UMP, chaque semaine qui passe montre un glissement progressif vers des zones éminemment troubles.
[1 Tout ouvrier voyageant sans livret était réputé vagabond et condamné comme tel. Il ne pouvait quitter un employeur qu’après que celui-ci eut signé un quitus sur le livret, la signature devant être certifiée par une autorité, et ne pouvait quitter une commune sans le visa du Maire ou de la Gendarmerie, avec indication du lieu de destination. Il fut supprimé en 1890…il y a, comme ça, des « affinités électives ».]
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