L’École sur la voie de la productivité
par
Pourcentages de réussite, taux de remplissage des classes, productivité horaire de l’enseignant… Les valeurs de rentabilité économique, déjà présentes depuis longtemps dans l’éducation nationale, deviennent aujourd’hui une obsession pour nos directions.
« Je passe un contrat avec vous. Vous me faites 80% de réussite au bac cette année. Vous ne voulez tout de même pas finir manœuvre !! ». Voici un exemple parmi d’autres de propos de la direction de mon lycée lors de conseils de classes de Terminales en cette année 2006-2007.
Le critère de réussite au bac est depuis longtemps considéré comme le facteur principal pour « évaluer » un lycée et comparer les établissements entre eux. Ce type d’évaluation est fortement critiquable car il ne tient aucunement compte de critères humains et sociaux (différence de public entre établissements, contexte social guyanais difficilement comparable à celui de la métropole…).
Hors, depuis Janvier 2006 et la mise en place de la LOLF, nouvelle loi d’orientation des finances publiques, elle-même découlant de l’AGCS (Accords Généraux sur la Commercialisation des Services) au niveau mondial, la répartition de l’argent public est passée d’une logique de moyens à une logique de résultats.
Ainsi, le pourcentage de réussite au bac, le taux de remplissage des filières ou le nombre d’élèves par professeur deviennent officiellement un critère de jugement de la qualité d’un établissement. Il semble que cette nouvelle donne ait tourné la tête de nos directions, qui, obsédées par l’obligation de « faire des économies », gèrent de plus en plus leurs établissements comme des entreprises.
Dans mon lycée, cette évolution amène à des situations complètement aberrantes. Les classes sont remplies au maximum et pour combler les dernières places vacantes, des élèves sont placés dans des filières qu’ils n’ont pas demandé et ce malgré les avis plutôt réservés du corps enseignant. L’enseignant se retrouve avec la pression de devoir « faire du pourcentage » tout en gérant des classes surchargées, avec une partie des élèves un peu perdue et peu motivée par un contenu d’enseignement qu’elle n’a pas choisie.
L’élève et l’enseignant, qui sont quand même les deux personnes centrales du système éducatif actuel, se retrouvent à subir une situation sur laquelle ils ont de moins en moins d’influence. Nos directions, quant à elles, peuvent aller fièrement se pavaner devant la hiérarchie et se vanter de faire des économies en préservant les taux de réussite des élèves.
Cette logique de résultat ne peut que nous conduire à la déchéance du système éducatif. Elle accentue la distance entre direction et corps enseignant. Elle est le symbole d’une vision dans laquelle le rôle de l’éducation nationale ne se résume plus qu’à former de « bons petits soldats » au service de nos entreprises.
Education ou formation ? Rentabilité ou moyens ? École publique ou privée ?. Il est grand temps de répondre sérieusement et intelligemment à ces questions. Malheureusement, que ce soit au niveau local (Rectorat, Collectivités…) ou national (Où est l’éducation dans la campagne présidentielle ?)la tendance n’est pas au revirement mais plutôt au confortement de la logique actuelle.
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