Des Sou(ci)s et des Hommes
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Le grand chantier de la réorganisation de l’éducation prioritaire a enfin donné ces premiers fruits : un document de présentation intitulé « Refonder l’éducation prioritaire », présenté dans notre académie au Conseil de l’Éducation Nationale du 13 février 2014 par le recteur Denis Rolland. Ce document ministériel présente un projet assez ambitieux, celui de redonner du sens à la notion de plus en plus critiquée d’éducation prioritaire en France.
L’accompagnement des élèves
Le nouveau projet prévoit quatre mesures intéressantes : la scolarisation des moins de trois ans, l’affectation d’un maître supplémentaire dans chaque école pour la mise en place de projets de pédagogie dite différenciée, l’organisation d’un système de tutorat et d’aide au devoir renforcé pour les élèves de sixième, le développement d’internats de proximité pour les collégiens.
Il n’est pas besoin d’être métaphysicien pour comprendre que ces mesures ne paraissent pas facilement applicables dans une académie qui peine déjà trop à scolariser tous les enfants avant l’école primaire, et qui dispose de trop peu de personnel titulaire et contractuel pour, dès la rentrée, accueillir tous les élèves sans problème. En ce qui concerne les internats, il y en a une urgente nécessité d’accueil pour les jeunes des communes isolées mais se pose bien évidemment la question du budget alloué aux collectivités en charge (Région et Conseil Général) pour les construire . Pour que ce projet soit réalisable, nous attendons également une augmentation du nombre de postes ouverts au CRPE, pour le local, et aux CAPES, CAPLP, CAPET (internes, externes et réservés) et Agrégations au niveau national. Mais aussi une large intervention de l’état dans la construction de structures scolaires, surtout pour pallier aux difficultés municipales dans la mise en place d’un service d’accueil correct et de proximité pour les enfants.
Formation et rémunération des personnels
C’est le volet de l’oiseau tué en plein vol : le texte propose une pondération du temps de service afin de dégager 1h30 par semaine en collège sur 18h, et 9 jours par an en primaire, afin d’intégrer le travail d’équipe et de suivi des élèves dans le bloc de l’emploi du temps. Voilà qui sonne doux aux oreilles de ceux qui, comme SUD éducation, pensent que le travail pédagogique en équipe est une des meilleures réponses aux souffrances et aux violences subies par les personnels mais aussi par les élèves. On nous propose aussi des formations, des experts de terrain, des tuteurs à gogo ! C’est noël pour les petits syndicalistes que nous sommes ! Mais là encore, quid dans une académie qui peine à trouver des formateurs pour les préparations aux concours ? Le recteur annonce d’ailleurs quatre formateurs académiques pour la refondation du prioritaire. Quatre seulement ! Quatre semble être le chiffre de notre académie puisque c’est quatre établissements qui passeront en REP+ à la rentrée
prochaine : Gran man Difou de Maripasoula, Léodate Volmar et Paul Jean Louis à Saint Laurent et Lise Ophion à Matoury (bien sûr, ce nombre augmenterait si la lutte récente de l’intersyndicale contre les violences en milieu scolaire aboutie). Là encore, on est dans l’insuffisance et le ministère a beau promettre l’élargissement à 500 établissements supplémentaires pour la rentrée 2015, on peut rester septique et penser à un effet d’annonce. C’est toute notre académie qui devrait être classée
en REP+ !
En ce qui concerne la rémunération, le document propose de la valoriser par un système de primes pour rendre attractifs des établissements désertés par les titulaires ou fragilisés par un turn over trop important : 50 euros environ en plus par mois, 100 pour ceux et celles qui travailleront dans les établissements les plus rudes (qui établit ce triste top ten ?). Il est également prévu une prime pour ceux qui « assument des fonctions d’intérêt collectif », étrange expression, qui laisse imaginer qu’il existe, dans l’éducation nationale, des fonctions qui ne sont pas d’intérêt collectif
dans un système d’éducation publique et gratuite… On précise également, que ceux qui auront passé un temps « significatif » (pour qui ?) dans les établissements REP+, pourront bénéficier d’un accès prioritaire à la hors classe et à la classe exceptionnelle… mais que les collègues ne s’échauffent pas trop vite, ce point est en discussion avec les centrales des syndicats majoritaires...
Amélioration du cadre d’apprentissage
Là encore, de belles annonces, dont nous attendrons l’exécution à bras ouverts : un accueil matinal des parents dans les écoles, des infirmiers scolaires dans les établissement du premier degré des réseaux REP+, et des assistants sociaux en plus grand nombre, et même un fond académique pour financer des projets pédagogiques. On attend avec impatience de travailler dans ces conditions !
Le ministère aurait-il compris que ce n’est pas tant l’argent qui fait une équipe pérenne que de bonnes conditions de travail ? De cette juste observation, en aurait-il enfin conclu quelque chose d’utile pour l’avenir de notre académie ? Toutes ces belles annonces seront-elles effectives à la rentrée 2014 dans nos quatre établissements guyanais ou va t-on encore nous dire, chaque mois, « attendez, on y est presque » ? Les personnels et les élèves, leurs familles, toute la société guyanaise ne peuvent et ne veulent plus attendre !
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