Une nouvelle rentrée avec les moyens du bord
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Depuis son arrivée notre nouveau recteur n’a de cesse de répéter qu’il va faire en sorte que les enseignants restent au moins 5 ans sur l’académie. Pour en rajouter il n’hésite pas à pointer du doigt les « brebis galeuses » qui ne pensent qu’à toucher les primes pour partir ensuite… Dans un monde où l’argent est devenu la question centrale personne ne s’étonnera qu’il puisse aussi y avoir des « chasseurs de primes » [sic] dans l’éducation nationale. Mais n’est-ce pas là un superbe contre feu pour ne pas s’occuper de tous les autres. Celles et ceux, qui avec rien ou presque, essaient de faire tourner leurs classes et qui constituent la grande majorité des enseignants de Guyane.
Travailler sans outils !
Demande-t-on à un chirurgien d’opérer sans scalpel et surtout qui oserait lui demander de l’acheter lui même ? Dans la plupart des établissements et écoles de Guyane c’est pourtant le lot quotidien de nombre d’enseignants. Certes les situations ne sont pas les mêmes mais d’une commune à l’autre les enseignants ont le sentiment légitime d’être pris pour des imbéciles.
A St-Laurent
S’il y a bien un lieu où l’on est sûr de trouver des profs c’est bien au cybercafé, là où les photocopies sont les moins chères. Les classes sans manuels scolaires, ou désuets, sont majoritaires. Chaque année, les maigres commandes que l’on accorde par école arrivent en novembre et incomplètes... quand on a de la chance. Les collègues sont obligés de dépenser des centaines d’euros pour ne pas laisser leurs élèves dans des conditions lamentables.
Apprendre à lire sans livre, voilà une belle façon de voir l’éducation prioritaire…
Pour cette nouvelle année la mairie a décidé de réduire d’un tiers le nombre de photocopies attribuées à chaque école. On était à 3 photocopies par semaine et par enfant, nous voici à 2. Dans d’autres écoles, puisqu’il faut réduire d’un tiers, pas de photocopies au premier trimestre, la logique comptable est imparable !
A Kourou
Cette année est à placer dans les crus exceptionnels. Toutes les commandes, ou presque, étaient là pour la rentrée. Exception faite de tout le matériel didactique des maternelles. Les collègues qui prennent une ouverture de classe se retrouvent donc sans matos. C’est le cadeau de bienvenue.
Par contre, les directeurs ont eu le bonheur d’apprendre que le coffre fort de la caisse des écoles où certains avaient entreposé l’ordinateur de la direction a été fracturé pendant les vacances. Celles et ceux qui n’avaient pas fait de sauvegarde ont du refaire le boulot de préparation de la rentrée fait en juin. Pour la petite info la caisse des écoles est située à 50 mètre des locaux de la police municipale…
Le parc des photocopieurs vient de prendre une année de plus et cela se voit encore un peu plus. Si à Kourou les écoles sont normalement équipées d’un photocopieur il commence a y en avoir de plus en plus en panne. Les collègues de l’école du vieux bourg pourront encore côtoyer leur bonne vielle photocopieuse en panne depuis un an maintenant.
A Cayenne
A Cayenne, les écoles ont reçu un courrier de la mairie les informant le 7 septembre que les copieurs présents allaient être remplacés sous un délai de "8 semaines au moins". La raison de cela est très simple : la mairie n’ayant pas honoré ses dettes le fournisseur a décidé d’interrompre son contrat et de récupérer ses machines... Du coup, les enseignants se retrouvent, en pleine rentrée, obligés de confier leurs photocopies aux agents municipaux pour qu’ils les fassent en mairie. Pas très pratique mais bon... et puis, direz vous, les élèves peuvent toujours copier dans leurs cahiers... oui, certes si les parents leur ont bien acheté tous les articles de la liste de classe car du côté des fournitures municipales : pas de cahier ni de stylo !
A force de bosser dans ces conditions nous finissons presque par oublier que dans les écoles « normales », les parents d’élèves n’achètent rien.
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